L’algoculteur au service de la ville ?

Les micro-algues portent des promesses d’innovation extraordinaires. Agriculture urbaine plus saine, dépollution ou nouveaux matériaux : c’est parfois dans les plus petits organismes que se fondent les plus grands espoirs.

Au sujet de l’agriculture, les images d’Epinal dépeignent un monde de machines agricoles et de ruminants paisibles. Si les vastes champs de blé et de luzerne font partie de l’imaginaire collectif, nous sommes peu habitués à la culture des algues. Pas encore, faudrait-il préciser. Relativement anonyme et spécialisée, l’algoculture formule d’étonnantes promesses. Des secteurs aussi variés que l’alimentation, les cosmétiques, la médecine, ou la construction défrichent aujourd’hui une multitude d’applications. En ville, ces petits organismes aquatiques – et particulièrement les micro-algues – laissent imaginer des solutions de dépollution, de production de matériaux ou d’agriculture urbaine. Afin de percer leurs secrets, nous avons échangé avec Olivier Lépine, directeur général d’Algosource, et Antoine Simon, ingénieur de VINCI Construction Grands Projets et intrapreneur VINCI spécialisé dans la captation du CO2 à partir de biomasse algale.

D’innombrables applications 

“La micro-algue est quelque chose de très ancien, à l’origine de la vie. Comme ressource, elle est utilisée dans la nature depuis très longtemps, mais depuis peu de temps par l’homme”, explique Olivier Lépine. Cette redécouverte récente a donné lieu à une innovation foisonnante qui dépasse largement la production de la spiruline, fameux complément alimentaire à base d’algues. “Le spectre d’applications des algues est fascinant”, explique Antoine Simon. ”On peut en tirer des molécules à forte valeur ajoutée pour les domaines médicaux, cosmétiques, ou pour la nutrition. À partir de macro-algues, on sait faire des plastiques, comme le fait la startup Eranova. Les algues permettent de produire des biocarburants et elles sont utilisées pour fabriquer des pigments de couleur. Leur capacité d’absorption du CO2, des métaux lourds, et des particules fines en fait également un bon dépolluant.”

Concernant la ville, Olivier Lépine distingue trois usages principaux. Le premier touche aux matériaux, autour de la liquéfaction hydrothermale, qui permet de transformer la biomasse en bitume. “Le projet Algoroute, développé par Algosource en partenariat avec l’IFSTTAR, développe des bitumes avec de meilleurs bilans carbone, par biomimétisme”. Le second touche à l’agriculture urbaine. Toitures et façades offrent de grands espaces non exploités, propice à l’installation de photobioréacteurs. Ces grands “aquariums” permettent de cultiver les microalgues en milieu urbain tout en améliorant l’isolation des bâtiments. “Dans le cadre de Réinventer Paris, nous allons construire avec XTU la première bio-façade urbaine sur 13 étages”, explique Olivier Lépine qui cherche encore les grands groupes capables de sponsoriser l’innovation. “C’est la Tour Eiffel biologique, dans 200 ans on en parlera encore”.  Enfin, les micro-algues peuvent fournir une aide précieuse dans l’épuration et la dépollution de la ville. “Les micro-algues ont besoin d’eau, de CO2 et de nitrates. Elles peuvent offrir un premier traitement des rejets avant les stations d’épuration. C’est une économie circulaire très locale qui permet d’améliorer les bilans actuels, en support des technologies existantes”, conclut Olivier Lépine.

 

 

Une réponse aux enjeux contemporains   

Quelle que soit l’application, la culture des micro-algues semble promise à un avenir radieux tant elle répond aux aspirations de l’époque. Elle encourage une alimentation plus saine en fournissant des compléments alimentaires naturels et à faible impact. Elle offre une alternative à la pétrochimie sur de nombreux produits aujourd’hui contestés (plastiques, bitumes, revitalisation des terres agricoles, etc…). Elle s’intègre dans l’économie circulaire en proposant des systèmes d’épuration naturels…

Pour les professionnels du secteur, il reste à surmonter les freins qui s’opposent à une culture à grande échelle. Olivier Lépine évoque la méconnaissance du public et l’aspect financier : “Nous brassons beaucoup d’eau qu’il faut nettoyer, transporter, puis évacuer, c’est un coût important.” De son côté, Antoine Simon  évoque les capacités de production du secteur, aujourd’hui trop confidentielles. “Il y a encore un fossé technologique à combler avant d’être capable de produire plus d’algues par litre d’eau, de nombreux acteurs cherchent à densifier les cultures”. Des barrières qui pourraient  s’effacer rapidement devant le potentiel inexploité des petits organismes.

 

 

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