Les villes préparent l’arrivée des drones dans le ciel urbain

Les drones vont-ils réaliser le fantasme de la voiture volante ? Si les contraintes urbaines restent très fortes, de plus en plus de projets laissent imaginer une réponse positive !

Du garage miteux de Korben Dallas dans le 5e Élément aux spatioports éclatants de Starwars, les infrastructures liées aux mobilités aériennes peuplent notre imaginaire collectif. Jusque récemment, les manifestations de cette licorne de la prospective se cantonnaient aux romans, aux films et aux jeux vidéo. Avec l’émergence des drones de transport ou de livraison, elles commencent à déborder sur le réel, mettant au jour d’importants  enjeux d’infrastructure. Vertiports, gestion du trafic et des flux urbains, réglementation et sécurité : pour accueillir les UAV (Unmanned Aerial Vehicles), la ville prépare sa mue.

 

Imaginer les vertiports

Un vertiport est une plateforme adaptée à l’atterrissage et au décollage vertical. C’est une pièce maîtresse qui conditionne l’avènement des drones comme vecteurs de mobilité ou de livraison. Aujourd’hui, la plupart des projets sont au stade du concept, mais l’horizon d’un déploiement à grande échelle est de plus en plus proche. En France, Airbus, RATP et ADP ont lancé une étude de faisabilité sur l’intégration des véhicules volants dans le transport urbain d’ici les Jeux Olympiques de 2024. Intéressés au premier chef, de nombreux architectes s’essaient à l’exercice. La tour Pier 2, imaginée par Humphreys & Partners intègre des plateformes dédiées aux drones à un immeuble d’habitation. Le droneport de Saúl Ajuria Fernandez fonctionne sur le mode d’une grande ruche circulaire dédiées aux petits colis et valorisant les “vides urbains” qui côtoient les grands échangeurs routiers. Du côté des constructeurs de drones, l’intérêt est également très fort. Sur le sujet, le géant Coréen Hyundai est en avance et prévoit de déployer son Urban Air Port à Coventry au Royaume-Uni dès 2021. Déployable en quelques jours, offgrid, et dotée d’une empreinte au sol 60% plus faible que celle d’un héliport, la petite infrastructure parie sur une approche agile et légère. La startup allemande Lilium propose quant à elle un framework de vertiport intégrable aux nouvelles constructions ou à l’existant. Dans le même temps, l’encadrement du développement de ces nouvelles infrastructures s’organise. Le groupe ISO s’est lancé dans le développement d’un standard international pour les “vertiport operations”. Les mêmes démarches sont en cours au sein de l’European Union Aviation Safety Agency (EASA).

 

Une question de trafic et de sécurité

Sans pilote, les drones doivent compter sur leurs systèmes de communication, qui jouent alors un rôle fondamental. Dans ce contexte, les UTM (Unmanned aircraft system Traffic Management) conditionnent également l’émergence d’un marché du transport par drone. Dans l’environnement complexe des villes, les enjeux sont multiples : gestion des autorisations en vol, interopérabilité, développement des APIs, protection des données, opération hors de la vue du télépilote (BVLOS). Le Future Flight Consortium, conduit par Garuda Robotics et incluant la Singapore Civil Defence Force, s’est lancé en 2018 dans le développement d’un système connecté de gestion des VTOLs à l’échelle de la cité-état. Aux États-Unis et en Europe, des acteurs comme la NASA ou Thalès travaillent également au développement du même type de dispositifs. Sur un marché dont la croissance est estimée à 20% par an, le BCG parle déjà de “course” au marché des UTM…

 

La ville métamorphosée

Au-delà de la dimension logicielle, c’est le paysage des villes qui va être transformé par l’arrivée des drones. Le projet Drone Aviary, imaginé par le studio de design Superflux, propose une interprétation créative de l’impact des UAV sur les infrastructures urbaines. Au programme : des affichages publicitaires volants, des drones assistants, ou encore de la signalétique aérienne mobile. Plus concrètement, les villes vont sans doute devoir faire face à une “verticalisation” de leurs problématiques. Mary Cummings, directrice du Humans and Automation Lab du MIT explique par exemple que les effets de soufflerie créés par les hauts immeubles sont un frein au développement des drones volants, vulnérables aux vents forts. L’étude Flying High, publiée par NESTA, souligne également les enjeux de sécurité et les besoins en mesures anti-drones comme les brouilleurs ou les filets de protection. Elle soulève également les enjeux de recharge, qui vont exiger l’installation de nombreux docks dédiés. Quant à l’empreinte CO2 des drones aériens… Elle fait encore débat. On peut donc assez légitimement penser que le jour où nos villes bourdonneront au son des drones n’est pas pour demain. Sans compter que la pertinence même des solutions de mobilité aérienne pour les villes est encore loin d’être acquise. Livraisons de matériel médical, inspections d’infrastructure, surveillance, liaisons passagers avec les aéroports… Autant de services pour lesquels la voie des airs doit encore démontrer ses éventuels avantages, notamment si on la compare aux solutions de drones routiers. L’Europe, en février 2021, a initié un programme de recherche visant, justement, à mettre à l’épreuve tout une batterie de technologies et programmes. Le groupe ADP, la RATP et Choose Paris Region ont engagé, pour leur part, une phase d’expérimentation de 3 ans, pour présenter des démonstrateurs fonctionnels à l’occasion des Jeux Olympiques en 2024.

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